Les trous noirs sont des objets fascinants et déroutants. À l’occasion de la cinquième semaine des trous noirs – la Black Hole Week 2024 –, les ingénieurs de la Nasa nous invitent à plonger au cœur de l’un d’entre eux. Un trou noir supermassif comme celui qui se cache au centre de notre Voie lactée. Une expérience à nulle autre pareille.


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    Que se passerait-il si vous tombiez dans un trou noir ? Vous vous êtes sûrement déjà posé cette question. Et la Nasa a décidé de vous apporter une réponse. Un défi même pour les astrophysiciensastrophysiciens. Mais une manière pour eux, en simulant des processus difficiles, même à imaginer, de s'exercer à travailler à relier les mathématiques complexes de la relativité à leurs conséquences dans le monde réel.

    Un supercalculateur pour simuler un trou noir supermassif

    C'est grâce aux capacités du supercalculateur Discover du Center for Climate Simulation de la Nasa que les ingénieurs sont parvenus à révéler ce qui se passe au cœur d'un trou noir. Leur projet a généré quelque 10 téraoctets de données sur environ 5 jours. Un ordinateurordinateur classique aurait eu besoin de plus d'une décennie. Pour faire quoi, exactement ? Pour simuler une caméra - mais le résultat serait le même pour un astronaute audacieux - qui franchit l'horizon des événements d'un trou noir.

    Pour rendre l'expérience plus spectaculaire, les chercheurs ont choisi un trou noir supermassif. De 4,3 millions de fois la masse de notre SoleilSoleil. Soit un trou noir semblable à celui qui se terre au centre de la Voie lactéeVoie lactée. Les trous noirs plus modestes, de quelques dizaines de masses solaires, produisent en effet des forces de maréeforces de marée plus fortes qui peuvent déchirer les objets qui s'approchent avant même qu'ils n'atteignent leur horizon des événements. Les astrophysiciens parlent de spaghettification.

    Les visualisations de la Nasa sont disponibles sous plusieurs formes. Des vidéos explicatives font office de guides touristiques, mettant en lumière les effets bizarres de la théorie de la relativité générale d’Einstein. Les versions rendues sous forme de vidéos à 360° permettent de regarder tout autour pendant le voyage, tandis que d’autres – comme celle-ci, une projection équirectangulaire – se présentent comme des cartes plates du ciel. © J. Schnittman, B. Powell, <em>Goddard Space Flight Center</em>, Nasa
    Les visualisations de la Nasa sont disponibles sous plusieurs formes. Des vidéos explicatives font office de guides touristiques, mettant en lumière les effets bizarres de la théorie de la relativité générale d’Einstein. Les versions rendues sous forme de vidéos à 360° permettent de regarder tout autour pendant le voyage, tandis que d’autres – comme celle-ci, une projection équirectangulaire – se présentent comme des cartes plates du ciel. © J. Schnittman, B. Powell, Goddard Space Flight Center, Nasa

    Le destin tragique d’une caméra qui tombe sur un trou noir

    L'horizon des événements du trou noir simulé s'étend sur environ 25 millions de kilomètres. C'est à peine plus de 15 % de la distance qui sépare la Terre du Soleil. Un nuagenuage plat et tourbillonnant de gazgaz chaud et incandescentincandescent, le disque d'accrétiondisque d'accrétion, l'entoure et sert de référence visuelle pendant la chute vers le trou noir. Il en va de même pour les structures lumineuses appelées anneaux de photonsphotons, qui se forment plus près du trou noir à partir de la lumièrelumière qui a tourné autour de lui une ou plusieurs fois. Un fond de ciel étoilé vu de la Terre complète la scène.

    Les vidéos commencent alors que la caméra se situe à quelque 640 millions de kilomètres. En s'approchant du trou noir, la caméra accélère à des vitesses de plus en plus proches de celle de la lumière. Comme le fait le son d'une voiturevoiture de course venant en sens inverse, la lueur du disque d'accrétion et des étoilesétoiles en arrière-plan s'amplifie. Le tout se distord de plus en plus, donnant naissance à de multiples images à mesure que leur lumière traverse un espace-tempsespace-temps de plus en plus déformé.

    En temps réel, la caméra met environ trois heures pour atteindre l'horizon des événements. Elle exécute près de deux orbitesorbites complètes en cours de route. Mais pour quiconque l'observerait de loin, la caméra ne parviendrait jamais jusqu'à l'horizon des événements. En effet, alors que l'espace-temps se déformerait, l'image de la caméra ralentirait puis semblerait se figer juste avant. C'est pourquoi les astronomesastronomes ont d'abord appelé les trous noirs des « étoiles gelées ».

    Une fois atteint l'horizon des événements, même l'espace-temps s'écoule vers l'intérieur à la vitesse de la lumièrevitesse de la lumière. Ensuite, la caméra et l'espace-temps dans lequel elle se déplace se précipitent vers le centre du trou noir - un point unidimensionnel nommé singularité, où les lois de la physiquephysique telles que nous les connaissons cessent de fonctionner. La destruction de la caméra par spaghettification ne prend alors pas plus de 12,8 secondes. Et il ne lui reste que 128 000 kilomètres à parcourir en un clin d'œilœil jusqu'à la singularité.

    Découvrez le cosmos alentour vu de l'intérieur d'un trou noir géant avec une représentation à 360°. © J. Schnittman, B. Powell, Goddard Space Flight Center, Nasa

    Le temps ne s’écoule plus de la même façon à l’approche d’un trou noir

    Un scénario alternatif est proposé par les ingénieurs de la Nasa. Celui dans lequel la caméra raterate de peu l'horizon des événements du trou noir. Et les physiciensphysiciens expliquent que si un astronaute avait accompagné la caméra et était ensuite revenu vers le vaisseau mère, resté à l'abri du trou noir, il serait revenu 36 minutes plus jeune que ses collègues. Parce que le temps s'écoule plus lentement à proximité d'une forte source gravitationnelle et lorsqu'on se déplace à une vitesse proche de celle de la lumière.

    L'expérience répétée avec un trou noir qui tourne aussi rapidement que celui du film « Interstellar » permettrait même à l'astronaute audacieux de revenir quelques années plus jeune que ceux restés au loin.